Guy Laporte, le co-président du Sporting Club Graulhetois, nous a fait un point sur la situation du club Tarnais suite à ce reconfinement du rugby amateur.
Pour les graulhetois, continuer le championnat sans des aides et à huis clos, paraissait aller à l’encontre du mode de fonctionnement des clubs fédéraux tant sur le plan financier que dans la gestion des ressources bénévoles. Pour cette icône du rugby occitan et hexagonal, vainqueur du Grand Chelem 81 et vice champion du monde 87, un danger guette l’ovalie, la non reprise des compétitions, en cas d’une suspension courant au delà de décembre.
Dans cet avenir flou et obscur pour le rugby et le sport en général, ou le coronavirus laissera tôt ou tard un tissu associatif, sportif et économique ébranlé, l’ancien numéro 10 des bleus entrevoit un rayon de soleil : le XV de France.
Dithyrambique sur le « Jeune Dupont » dont il se régale à mettre en lumière les qualités physiques et mentales, tout comme son sens de l’anticipation, « L’homme de Lansdowne Road » apprécie bougrement, l’utilisation du jeu au pied offensif faite par les hommes de Fabien Galthié. Ce « Serial dropeur » , ancien manager général du XV de France (93-95), est enthousiasmé par cette nouvelle génération, et le coté intuitif qui s’en dégage, n’est pas pour déplaire à ce chantre du french flair d’antan.
Guy, c’est une nouvelle péripétie pour les Mégissiers avec un second confinement, la Fédérale 1 rentre en grandes vacances d’hiver. J’imagine qu’à Graulhet, tout est en stand-by comme ailleurs ?

Oui, tout est en stand-by et évidemment, ça n’est pas facile pour gérer cette période. Comme tu le dis, ce sont des vacances mais des vacances particulières puisque nous n’avons pas le droit de se retrouver dans les salles de sport ou sur les terrains d’entraînement. Il est sûr qu’il va y avoir une perte physique qui va être assez importante, quand je vois comment les joueurs s’entraînent depuis le mois de Juin, là, ça va tout réduire à néant. Si nous n’avons pas les conditions pour pouvoir nous entraîner, ça va être difficile. On espère qu’en Décembre au moins, on pourra s’entraîner convenablement autrement, si on reprend et qu’on enchaîne encore les blessures, ça va être catastrophique.

Surtout que tes joueurs s’entraînent depuis début Juin pour arriver à début Novembre en ayant joué seulement deux matches officiels sur 6 ou 7 journées et 1 ou 2 matches amicaux. C’est quand même fort peu pour des passionnés de rugby parce-que les joueurs, même s’ils sont semi-pros / semi-amateurs, ce sont à la base des mordus et des assoiffés de rugby ?

Oui mais qu’est-ce que tu veux y faire ? Tu as eu à faire à des cas Covid, à des cas contacts, à des conditions sanitaires détestables, comment tu veux jouer ? On n’a fait que du bricolage et moi, de toute façon, je suis partisan d’arrêter tout le monde et pas que pour le rugby parce-que, quand on voit qu’on fait un tel bricolage, on ne pouvait arriver qu’à un tel résultat.

On sait qu’un club comme Graulhet, c’est beaucoup, beaucoup de ressources bénévoles. Cette situation, ou ce bricolage comme vous l’appelez, ça a laissé des traces dans le club ? Il y a des bénévoles qui sont un peu » dégoûtés » ?

Non, ils ne sont pas dégoûtés parce-que ces bénévoles, ils aiment le rugby, comme son nom l’indique, pour être bénévole, il faut être passionné. Mais, par exemple, beaucoup de bénévoles chez nous ont un âge assez élevé donc, ces gars-là sont ceux qui risquent le plus et qui, évidemment, sont les plus sérieux donc ils restent à la maison. Comment tu veux faire un match ? Ce n’est pas que 23 joueurs, c’est toute une logistique et une organisation dont nous ne pouvions pas disposer.

Et puis, Pélissou à huis-clos sans ses supporters, c’était inenvisageable pour toi ?

Comme pour tous les clubs. Déjà que l’on tire le diable par la queue sur le budget, si en plus on est privé de recette d’entrées, de bourriches et surtout de buvettes et de repas, comment tu veux faire ? Financièrement, ce n’est pas viable et puis, comme tu l’as dit, on a peut-être des bénévoles mais s’il n’y a personne autour du terrain, nous ne sommes pas pour. Nous n’avons pas de droits TV, on n’a rien, pas de subside qui nous permette de continuer normalement.

Laurent Malié, le président d’Oloron, disait qu’il fallait profiter de cette pause rugbystique pour peut-être faire un grenelle de la Fédérale 1 et vraiment définir un statut des clubs, un statut social et juridique pour ce championnat un peu hybride. Qu’est-ce que tu en penses ?

Pourquoi est-il hybride ? Je pense que c’est toujours pareil. L’an dernier, nous avions des différences de budgets entre certains clubs et c’est vrai que ça n’aidait personne, ni ceux qui étaient en société, ni ceux qui étaient vraiment amateurs. Ça, c’est une chose mais même si on fait des statuts, si on se penche sur des considérations juridiques ou autres, il y a aura toujours des différences de budgets. Entre nous et Hyères-Carqueiranne, qui doit avoir entre 2M et 2M5, il est sûr qu’ils ne regardent pas du même œil que nous qui avons 500 000. Pour eux, qu’il y ait le chômage partiel pendant un mois ou deux, je ne vais pas dire que ce n’est rien mais c’est moindre, ce n’est pas grand-chose. Si on refait Mauléon ou Saint-Jean de Luz, c’est déjà différent, Graulhet et Saint-Sulpice, c’est différent de La Seyne et Hyères. Tu trouveras toujours des disparités mais il faut éviter les grosses disparités.

Tout en conservant les disparités, il peut quand même y avoir aussi quelque chose qui les encadre ?

Oui, parfaitement mais qu’est-ce qui va changer pour nous ? Ce qu’avait proposé Bernard Laporte était bien mais aujourd’hui, tu es obligé de monter les contrats à 1 000€. Pourquoi ? Pour un étranger, c’est différent parce qu’il faut quand même pouvoir vivre au SMIG. Mais, pour un français qui a un boulot et qui est pluriactif, il était anormal qu’il faille monter à 1 000€. On pouvait avoir une sécurité pour le joueur et pour le club sans arrive à de tels montants. Et ça, Bernard Laporte l’a proposé dans sa campagne électorale et je trouve que c’est une très, très bonne chose.

Comme aussi arrêter de payer les arbitres au cul du camion ?

Même avant les matches parfois donc, c’est une avancée (rires). » Payez- nous parce-que comme ça, ça sera fait » c’est pour ça que, si à la fin de la partie, l’arbitre ne te plaît pas, tu ne peux pas penser à ne pas le payer parce qu’il a déjà le chèque dans la poche (rires). Je peux comprendre les arbitres, parce qu’ils ne sont pas contents, mais tu peux très bien le contourner en disant » nous, on fait comme avant mais au moins, qu’on soit remboursé « . Tu comprends ? Ça aide tout le monde et comme ça, tout le monde est content parce-que la Fédé, c’est comme les collectivités, ça n’est pas toujours très rapide. Les arbitres voyagent beaucoup et c’est vrai que ça peut les embêter mais ça, ça peut très se solutionner en faisant comme ça.

Les joueurs, le staff, Jean-Christophe Bacca et toute la bande des rouge et noir, comment ont-ils pris ce second confinement ? J’imagine que ce nouveau coup d’arrêt est un peu un coup du sort ?

C’est sûr que les joueurs se préparent, ils se sont entraînés lundi dernier, ils n’étaient pas très nombreux mais, si jamais il avait fallu jouer, il aurait fallu aller castagner. Explique moi la cohérence d’aller entasser 60 joueurs ou plus dans un car alors qu’il faut des distances d’un mètre.

Il est sûr qu’il est compliqué de maîtriser les éléments dans ces cas-là

C’était très compliqué. On a annoncé l’arrêt aux joueurs mardi, ils voient quand même autour d’eux que le risque de ne pas jouer était élevé. Ils ont pensé » comment faire pour maintenir la condition ? « . Je vois aussi qu’il y a des arrêtés, comme à Lavaur, pour laisser ouvertes les salles de sport mais je ne sais pas jusqu’à quand. Si on ne peut pas faire d’exercice, c’est très difficile et c’est pour ça que si les entraînements ne repartent pas en Décembre, là, il y aura danger.

La suite, c’est comment faire pour retomber sur ses pattes ? Parce qu’il y a plein de matches qui n’ont pas été joués, on rappelle qu’à Graulhet, vous n’avez disputé que 2 rencontres sur 7 journées. Comment va-t-on faire pour finir cette saison parce-que la pire des catastrophes serait une nouvelle saison blanche et tronquée ?

A mon avis, on y va, je ne vois pas comment ils vont faire pour appliquer comme cette année avec des montées ou des descentes, au moins des descentes.

On parle de faire sauter les phases finales

Ca; c’est très bien mais comme je l’ai toujours dit, le mois de Mai est un excellent mois pour jouer au rugby. Donc, il faudra peut-être modifier les phases finales avec seulement deux qualifiés ce qui serait logique puisque, même si Graulhet est 6e, il ne sera pas champion de France. Si on veut attribuer un titre, on peut très bien le faire, même en Juin. De toute façon, les contrats vont jusqu’en Juin donc, normalement, la saison est comprise de Septembre à Juin. Qu’est-ce qu’il faudra faire après ? A mon avis, il faudra modifier les phases finales et jouer au mois de Mai qui est d’ailleurs un excellent mois. Je crois qu’il y a moyen si, évidemment, nous ne sommes pas perturbés comme maintenant.

Sur Canal +, le président de l’UBB Laurent Marti disait qu’il fallait absolument continuer à jouer au rugby car, si le rugby s’arrêtait alors que nous sommes dans une génération du » zapping « , les gens allaient passer à autre chose. Est-ce qu’à l’échelle de Graulhet, tu as peur qu’à un moment donné, si les sponsors et les fans n’ont vu leur équipe jouer que deux ou trois mois en deux ans, il y ait du mal à réenclencher la machine ?

Ils auront du mal à passer à un autre sport puisqu’ils seront logés à la même enseigne. Tout le monde est atteint, que ce soit le foot qui fait une belle saison ou les autres activités, tout est fermé. Je ne pense pas que ce sera le cas, il faut à tout prix que les statistiques baisses, que le nombre d’hospitalisations baisse, et pas que pour le rugby d’ailleurs. Et à partir de là, repartir sur un bon pied et essayer d’aller au bout. Non, je ne pense pas qu’il y aura de problème de désaffection de ce côté-là, d’abord parce qu’il n’y a pas de produit de remplacement. Par contre, c’est très bien que le rugby pro, que le sport pro continue parce qu’il y a des accords avec la télé et tout ça. Ils ramènent un petit peu, il y a les subsides de l’Etat et le reste, c’est très bien, il y a aussi la télé qui nous montre les matches. Mais il serait souhaitable qu’à partir de Décembre au moins, les gars retrouvent les terrains, même si ce n’est pas pour des matches mais au moins pour s’entraîner, pour communiquer, pour se revoir. Et puis, le rugby, ça n’est pas que deux mi-temps.

Si à la grande époque de Graulhet, tu avais été président du club qui aurait été en Nationale, tu aurais voté pour une continuation à huis-clos ou pour l’arrêt du championnat ?

Graulhet a été longtemps en Nationale (rires).

Je sais bien mais si Graulhet avait encore été en Nationale, qu’auriez-vous voté à Graulhet ?

A l’époque, quand nous étions en Nationale, il y avait beaucoup de public et les gens montaient parfois sur les arbres pour pouvoir voir les matches et aujourd’hui, les arbres sont bien tranquilles (rires). Si la question s’était posée, ça aurait été difficile parce-que nous étions encore plus amateurs que maintenant. Je ne sais pas si ça aurait continué, ça n’aurait pas pu mais on ne peut pas comparer les choses parce-que nous n’étions pas pros et c’était une obligation. Mais à l’époque, si le rugby s’était arrêté deux mois, je crois qu’au contraire, les joueurs et les supporters auraient eu encore plus faim et encore plus envie de revenir parce-que ça aurait été un manque.

On va terminer avec une lueur d’espoir et parler à l’ancien ouvreur du XV de France. Cette nouvelle génération de l’équipe de France doit quand même te mettre des étoiles dans les yeux ?

Oui, elle semble qu’elle ait un schéma directeur c’est à dire qu’elle joue beaucoup en pression parce qu’elle a des gars pour ça dans l’utilisation du jeu au pied et la contre-attaque. Pour ça, il faut des gars qui communiquent bien, qui soient prêts physiquement et ils le sont, et qu’ils jouent véritablement en équipe. C’est un jeu qui est simple et c’est ce qui est le plus simple à réaliser mais il faut être présent. Ce que je trouve, c’est qu’il y a beaucoup de jeu au pied dans les matches que je vois.

Ça ne doit pas te déplaire ?

Le jeu au pied en fait bien sûr parti parce qu’il faut toujours que ce soit un jeu offensif et de pression, la pression défensive, c’est autre chose. Je ne sais pas pourquoi, peut-être que c’est la règle du conteste dans les rucks où le défenseur est trop avantagé. C’est pour ça que je pense que les gars qui sont dans leur camp ne veulent pas prendre de risque. C’est une réaction intelligente à cette règle qui est à mon avis un peu sévère parce qu’on va avoir moins de ballons voltigés, surtout dans son camp.

Tu as un » chouchou « , un préféré dans cette équipe de France nouvelle génération ?

Je trouve que le jeune Dupont est un joueur solide mais c’est aussi un joueur intelligent qui pratique l’anticipation c’est à dire que, chaque fois qu’il y a une action avec le ballon, tu as dû remarquer, il prend l’intérieur automatiquement, il a une réaction positive.

Il a un temps d’avance sur les autres ?

Voilà mais je le dis depuis longtemps et j’essayais de le faire aussi, modestement. Mais il est certain que si ça joue, tu fais trois mètres en arrière mais si ça réussit, c’est toi qui es le relais face à celui qui va à l’essai. C’est pour cela que je trouve son intelligence de jeu et de placement très, très intéressante.

Merci pour cette analyse sur ce XV de France qui ravit de nouveau les foules et les passionnés. Merci aussi pour ce témoignage sur le Sporting Club Graulhetois qui, comme tout le rugby fédéral, va re-rentrer en confinement et à très bientôt dans le Mag Sport

Merci pour ton soutien antérieur et j’espère qu’il va se poursuivre sur la Fédérale 1 parce-que nous en avons besoin.

Propos recueillis par Loïc Colombié lemagsport81 Fédérale 1, Poule 3, Rugby, SC Graulhet
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