Nous avons accueilli une figure du rugby des années 70 / 80 lors de notre émission « Le #MagSport by H2G », aujourd’hui président du Sporting Club Graulhetois, Guy Laporte. L’ex ouvreur international, nous a livré sa vive inquiétude concernant le rugby fédéral à l’aube de l’annonce du gel des compétitions par la FFR, et bien entendu ses espérances pour ré-enclencher une dynamique sportivo-économique. Un entretien ou l’homme du grand chelem 81 et vice champion du monde 87, nous fait étalage de sa gouaille caractéristique et de sa passion pour le rugby sans commune mesure.

Avant de parler de Fédérale 1 et puisque nous sommes en plein tournoi des VI Nations, nous allons parler de vos souvenirs. La France s’est déplacée en Irlande il y a deux semaines et l’Irlande, ça reste un grand souvenir pour vous puisque vous avez gagné le Grand Chelem 81, pas dans le même stade mais dans la même contrée ?

C’était l’équipe de Rives, Paparemborde et consorts. C’est un très bon souvenir, un match à Lansdowne Road avec beaucoup de vent et un joli drop d’entrée (rires).

Vous auriez eu un conseil pour Mathieu Jalibert qui occupait votre poste ?

Non, pas de conseil, le rugby a complètement changé. Heureusement, le ballon est toujours ovale mais la façon d’aborder et de jouer, les règles, tout a beaucoup changé. Par contre, Mathieu Jalibert est un garçon qui progresse de match en match, qui prend confiance et qui, je crois, devrait donner satisfaction au public français rapidement.

Après avoir jeté un œil dans les rétros, on va revenir sur votre rôle actuel à savoir co-président du Sporting Club Graulhetois. Et actuellement, ce n’est pas une mince affaire que d’être président d’un club de Fédérale 1 ?

Actuellement, on est président de rien puisqu’il n’y a pas de match, nous sommes dans le néant le plus complet, c’est un tunnel dont on ne voit pas la lumière au bout. On ne sait pas, il n’y a pas de perspective ni de visibilité, on se demande si on n’est pas abandonné par tous, le rugby amateur autant que tout le sport amateur également. C’est triste parce qu’au final, on n’offre pas de contrepartie à nos partenaires, on n’offre rien comme visibilité à nos joueurs et il est certain que nous allons perdre des effectifs. Nous, on perd aussi le moral et on se raccroche à tout ce qui peut exister comme espoir mais comme le virus est le plus fort, je crois que nous avons la tête sous l’eau pour un moment.

Avant cette pandémie du Coronavirus, on parlait déjà d’une crise du bénévolat qui frappait le rugby et le sport amateur, voire même le sport en général. Vous n’avez pas peur que la crise sanitaire n’ait surmultipliée la crise du bénévolat et que beaucoup de bénévoles ne se soient désespérés et passent à autre chose ?

Sur le moment, on peut le croire parce-que chacun essaie de se protéger et en plus, les personnes qui composent le bénévolat ont un certain âge voire un âge avancé donc, il faut surtout se protéger. Bien sûr, on ne voit plus personne aujourd’hui mais il ne faut quand même pas exagérer. Parler de désaffection et de désamour, je ne veux pas y croire et il faut espérer. Quand la crise sera passée et que l’on abordera le 3e trimestre, peut-être qu’on pourra mieux comprendre, que l’on sera mieux protégé, que l’amour du rugby restera et que l’on verra les bénévoles, les passionnés et les licenciés reprendre le terrain. On essaie de s’entraîner un petit peu et il y a quand même la passion, ne serait-ce que la passion donnée par le fait de toucher un ballon ovale. Je crois que c’est aussi ça qui fait plaisir et qui peut donner espoir pour les joutes à venir.

Quand on est président d’un club, on gère le sportif mais aussi le financier. Comment fait-on quand on est président de Graulhet, sans billetterie, sans match et avec des sponsors qui eux-aussi subissent la crise ? Ça doit être très, très, très compliqué ?

Si on est là, c’est aussi pour le plaisir de jouer, de voir jouer, des préparations, de tout ce qui tourne autour du sportif. L’administratif est bien sûr essentiel mais ça n’excite personne. C’est vraiment délicat car, quand je parlais de contrepartie, qu’est-ce qu’on offre à nos partenaires et à nos abonnés qui ont pris des cartes et qui se sont engagés ? En Top 14, Pro D2 ou Nationale, dont vous faîtes partie intégrante, vous pouvez offrir une contrepartie mais nous, rien. On se dit que si on ne joue pas cette année, qu’est-ce que ça va être l’année prochaine ? Nous sommes dans une situation anxiogène extraordinaire et on ne sait pas à quel bout se raccrocher. La Fédération est la grande muette mais, un jour ou l’autre, il va falloir sortir de ce marasme total.

Avez-vous des relations avec la Fédération Française de Rugby ? Quelles sont les attentes que vous auriez de leur part à Graulhet ?

Une perspective car on ne peut pas vivre sans perspective, que ce soit au rugby ou ailleurs. La saison est terminée, ça va être catastrophique, si elle reprend de suite, ça sera aussi catastrophique parce-que les joueurs ne sont préparés à rien. Le rugby est un sport de contact donc, on va vers une boucherie et une succession de blessés plus ou moins graves. Il faut espérer qu’avec les beaux jours, si on dit que ça va s’améliorer vers Avril / Mai, il faut au moins que l’on puisse offrir une possibilité de jouer à nos licenciés même si ce n’est pas un championnat national officiel. En Occitanie, on a quand même suffisamment de clubs qui évoluent en Fédérale 1 pour au moins montrer quelque chose à nos supporters et redonner un peu le moral aux joueurs, ce qui est le plus important aujourd’hui.

En parlant des supporters, je me souviens que l’année dernière, avant le derby face à Albi, vous m’aviez dit qu’à la grande époque du grand Graulhet, celui qui faisait trembler les Brive et consorts, vous voyiez parfois des jeunes qui montaient dans les platanes autour du stade Pélissou car ils ne pouvaient pas rentrer tellement il y avait de monde dans le stade. Vous râliez que cette grande époque et ces grandes foules ne soient plus là. Maintenant, avec le Coronavirus, les platanes sont tranquilles comme vous le dîtes mais les tribunes également ?

C’est vrai que ça fait bien longtemps que les arbres sont tranquilles (rires). Mais je l’ai vu, quand on recevait le Stade Toulousain, il y avait eu une procession de voitures vers Lavaur ou Verfeil. C’était pareil quand on recevait Béziers, ils passaient par le Poussarou.

Le grand Béziers de l’époque ?

Oui, avec les Vaquerin, Estève et compagnie. Il y avait un monde fou, qu’on ne contenait pas les gens et que certains, même s’il fallait être souple, montaient dans les arbres pour voir les matchs. Mais comme je le dis souvent, les arbres maintenant sont d’une tranquillité totale (rires).

Vous avez un petit message pour tout ce peuple rouge et noir, ces supporters qui, j’imagine, vous manquent énormément ?

Le côté positif, c’est que nous avons une grosse progression au niveau de l’école de rugby donc, ça prouve peut-être qu’il y a une part d’engouement qui existe toujours. Pour les autres, on est obligé de dire  » protégez-vous, ne prenez pas de risque  » mais de toute façon, on ne va pas leur faire prendre de risque puisqu’il n’y a rien, c’est la page blanche. Je leur dirai de garder confiance car nous allons essayer de nous battre pour qu’il y est quelque chose le plus rapidement possible, même si ce ne sera pas dans la même veine que ce qui est proposé habituellement. Et je dirai surtout aux joueurs de ne pas perdre confiance, que nous sommes dans une parenthèse qui est trop longue mais qu’ils pourront s’exprimer et faire leur passion comme avant, dans les joutes de chaque dimanche.

On va déjà se projeter sur la prochaine saison. Que peut-on souhaiter à Grauhet pour la saison 2021 / 2022 ? Avoir de jolis derbys contre Mazamet et Lavaur ?

Il faut espérer. Il faut d’abord espérer que les conséquences économiques et sportives ne soient quand même pas trop importantes parce qu’il ne faudra pas faire n’importe quoi et peut-être lever le pied dans beaucoup de domaines. Mais ce que l’on souhaite, et l’Occitanie nous réserve justement la possibilité d’avoir de beaux derbys, c’est d’y croire et d’espérer qu’ils aient lieu pour que l’on puisse sortir de cette ornière la tête haute et rivaliser et, pourquoi pas, vous avoir à nos côtés.

Et vivre de belles 3es mi-temps ensemble ?

Oui, parce-que le rugby sans ça, ça n’est pas le rugby (rires).

Propos recueillis par Loïc Colombié
lemagsport81 Fédérale 1, La Chronique décalée, Poule 3, Rugby, SC Graulhet, Sport Story  26 février 2021 7 Minutes

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